Sorti en 1979, Pick Up est souvent considéré comme un ovni dans la discographie de Brigitte Fontaine, elle-même une figure inclassable de la chanson française. Artiste expérimentale par essence, Fontaine a toujours navigué aux frontières de la chanson, du théâtre et de la poésie. Avec Pick Up, elle franchit un pas de plus, flirtant avec des sonorités électroniques et funk, bien avant que ces hybridations ne deviennent monnaie courante.

Dès la première écoute, Pick Up frappe par sa production, signée par Jean-Michel Jarre, encore auréolé du succès planétaire d’Oxygène. Ce mariage improbable entre la voix rugueuse, souvent incantatoire de Fontaine, et les nappes synthétiques très seventies donne naissance à une œuvre étrange, à la fois datée et terriblement avant-gardiste. Les lignes de basse claquent, les synthétiseurs crépitent, et au milieu de cette matière sonore, la voix de Fontaine, tour à tour moqueuse, froide ou sensuelle, vient troubler l’écoute.

L’album s’ouvre sur le morceau-titre « Pick Up », qui pose d’emblée le décor : groove minimaliste, beat mécanique, et un phrasé décalé qui brouille les repères. On est à mi-chemin entre la cold wave naissante et le funk mutant. D’autres titres comme « Le Nougat » ou « C’est normal » poursuivent dans cette veine, où la dérision le dispute à la critique sociale. Fontaine y dépeint un monde absurde, consumériste, où la langue elle-même est tordue, malaxée jusqu’à devenir un instrument rythmique autant que signifiant.

Mais si l’album brille par son audace sonore, il souffre aussi parfois d’un certain hermétisme. La radicalité de Fontaine, admirable, peut aussi laisser l’auditeur sur le bas-côté. Là où d’autres artistes de l’époque — on pense à Gainsbourg avec Aux Armes et Caetera ou à Lizzy Mercier Descloux — parviennent à conjuguer avant-garde et accessibilité, Pick Up reste une œuvre rugueuse, qui se mérite. Sa froideur calculée, son refus de toute séduction facile, en font une pièce à part mais aussi un disque que l’on peut trouver aride à la première écoute.

Avec le recul, pourtant, on mesure l’importance de Pick Up dans le paysage musical français. Précurseur des fusions entre chanson, électro et spoken word, cet album annonce autant la scène indie des années 80 que certaines expérimentations actuelles. Fontaine, fidèle à son esprit frondeur, s’y montre une fois encore en avance sur son temps, refusant les étiquettes et dynamitant les formats établis.

En somme, Pick Up est un disque déroutant, audacieux, parfois déséquilibré, mais profondément libre. Il incarne tout ce qui fait la force de Brigitte Fontaine : l’indocilité, le goût du risque, et cette capacité rare à faire de l’expérimentation une posture artistique totale. Un album pour curieux, pour aventuriers du son, qui mérite qu’on s’y perde encore, plus de quarante ans après sa sortie.

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